À 54 ans, Banga, figure emblématique du graffiti français, a marqué les esprits de plusieurs générations et continue de promouvoir son art à travers le monde. Invité à Conakry dans le cadre de la 6e édition du Festival Lassiry Hip-hop, organisé par l’ONG Guinée Challenge, il a partagé son expérience et sa vision du street art en Afrique. Lors de cet échange, il a abordé la richesse du graffiti africain, le partage de son savoir, ainsi que son message destiné aux autorités et aux parents souvent réticents à l’idée que leurs enfants se lancent dans cet art perçu, selon lui, comme de la débauche.
Culturbaine.com : Vous avez remarqué quelque chose de particulier dans le graffiti en Afrique. Pouvez-vous nous en parler ?
Banga : Il y a un livre qui a été fait sur les graffeurs africains et ça donne un peu toute la tendance et il ya quelque chose de nouveau dans le graffiti en Afrique, qu’il n’y a pas aux USA, c’est comme au Brésil il y a un truc nouveau aussi . En fait ce qu’il y a le plus dans l’art du graff en Afrique c’est toute la culture ancestrale qui est mise en valeur pour mettre en valeur nos origines, notre culture et tout ce qui a fait prendre naissance aux hip-hop en fait. Parce que l hip-hop vient de l’esclavage et l’esclavage vient d’Afrique. La seule chose qui est restée c’est le beat , c’est le tam tam, c’est la percussion, je leur ai appris à mettre ça en valeur parce que c’est très très important dans notre culture.
Culturbaine.com : Ces dernières années, vous semblez davantage tourné vers la transmission de votre savoir. Pourquoi ce choix ?
Banga : Moi j’arrive en âge, j’ai 54 ans, J’ai 4 enfants. J’arrive en âge où je dois transmettre tout ce que j’ai appris en Europe, tout ce que j’ai appris aux États-Unis, aux Antilles, en Australie, partout, en Europe. j’ai envie de donner tout mon savoir et transmettre mon savoir à mes frères et mes jeunes frères africains et mes jeunes sœurs africaines. Parce que j’ai trop donné la haut , j’ai trop donné en France. Maintenant je veux transmettre aux Antilles et en Afrique. Et quand je transmets je ne transmets pas que de la peinture, j’ai parlé de graffiti,
Culturbaine.com : Un message pour les autorités et les parents qui hésitent à laisser leurs enfants pratiquer le graffiti ?
Banga : Faire comprendre aux autorités que la culture est très importante. Il nous faut de la culture, on a besoin de la culture, nos enfants ont besoin de culture, ils ont besoin de s’exprimer. Quand tu regardes les civilisations anciennes, qu’est-ce qui est restée les œuvres d’arts. Quand tu regardes toutes les sociétés qu’est-ce qui est resté c’est l’art, la culture qui est restée. Donc C’est primordial pour déjà calculer l’intelligence de notre société et c’est primordial pour que le peuple soit un repère dans le temps. Tous les milliardaires du monde collectionnent de l’art africain, de l’art antique africain parce que c’est la première forme d’art au monde et la plus importante et la plus puissante Si Picasso a volé le cubisme de masque africain ce n’est pas pour rien. L’artiste le plus important de ce siècle c’est un noir il s’appelle Jean Michel Baska. Avec une toile de Jean Michel Baska tu peux acheter plusieurs immeubles haussmanniens. les politiciens, les médecins, les chirurgiens , les avocats quand ils parlent avec moi ils me parlent comme s’ils étaient en admiration envers moi. Être artiste c’est un vrai privilège. Parce que quand tu es artiste tu peux parler d’égal à égal avec des politiciens…des gens qui sont en haut de la société.
Je côtoie des gens qui ont travaillé toute leur vie dans des entreprises pour des multinationales qui arrivent à un moment où ils font des burn-out , parce qu’ ils n’ont pas pu développer leurs passions. et moi j’ai 4 enfants de 30 à 15 ans. Mes enfants font ce qu’ils ont envie de faire . Je m’en fiche qu’ils aient leurs bacs ou diplômes ceci cela . Je leur ai dit, ils travaillent pour eux s’ils ont décidé d’être artiste, moi j’ai une fille qui est chanteuse, un fils qui rappe, une autre fille qui est coiffeuse. Au contraire suis content qu’ il y ait des artistes dans mes enfants parce qu’au moins ils sont épanouis dans leur vie. Et c’est ça le principal, c’est ça être épanoui et vivre sans stress.
Interview réalisée par Mohamed Cinq Sylla