Sous le périphérique parisien, la redécouverte d’un sanctuaire du graffiti

À deux pas du métro Porte de la Villette, derrière une entrée discrète rongée par les années, s’ouvre un lieu que peu avaient eu la chance d’arpenter : un ancien supermarché transformé, au début des années 2010, en véritable laboratoire de l’art de rue. Longtemps gardé secret par ceux qui l’ont façonné, ce site renaît aujourd’hui pour quelques semaines seulement, avant sa disparition programmée.

Sous l’échangeur, le vacarme des voitures contraste avec le silence qui règne à l’intérieur. Dans la pénombre, lampe torche à la main, les visiteurs découvrent un enchevêtrement de couloirs peints, des murs saturés de couleurs et des fresques aux styles multiples. L’expérience se vit en petits groupes, guidés par un médiateur, comme une exploration urbaine éphémère.

Ce lieu singulier avait été découvert en 2010 par les artistes Lek et Sowat, qui y ont invité une vingtaine de créateurs venus de différents horizons. Pendant deux ans, ils ont œuvré dans la clandestinité, sans révéler l’adresse, donnant naissance à une sorte de carnet collectif à l’échelle d’un bâtiment entier.

Resté fermé depuis 2012, l’endroit a été préservé presque malgré lui, les accès ayant été progressivement condamnés. Résultat : les strates de peinture témoignent aujourd’hui de plus d’une décennie de pratiques et de styles successifs. Certains y voient une « grotte contemporaine », mémoire fragile de la culture graffiti parisienne.

Grâce à une mobilisation locale et à plusieurs soutiens institutionnels et privés, une ouverture temporaire a été rendue possible. Mais l’avenir du site est scellé : il sera intégré dans un vaste programme de réaménagement urbain qui condamnera définitivement ses murs.

Dans cet espace hors normes, les signatures d’artistes confirmés côtoient celles de figures montantes du début des années 2000. Des calligraphies géométriques aux personnages oniriques, chaque recoin raconte une part de l’histoire de l’art urbain en France.

Déjà documentée dans un ouvrage et un film devenus références auprès des passionnés, cette aventure aura marqué un tournant pour ses initiateurs, aujourd’hui reconnus sur la scène internationale. Mais le projet touche à sa fin : à la mi-novembre, les portes se refermeront, laissant place au chantier.

Sous les dalles de la capitale, ce sanctuaire improvisé aura rappelé, le temps d’une parenthèse, que la mémoire du graffiti n’est jamais figée et que sa disparition, bien souvent, fait partie intégrante de son essence.

Mohamed Cinq Sylla