Le beatmaking ou la production musicale est un métier largement dominé par les hommes. Rares sont les femmes qui osent s’y aventurer, et lorsqu’elles le font, elles sont souvent découragées par leur entourage et la société. Pourtant, certaines arrivent à s’imposer et à faire la différence. C’est le cas d’Aminata Thiam, connue sous le nom de Myamy TheAyGirl, une beatmakeuse sénégalaise redoutée qui évolue avec brio dans ce milieu masculin.
Dans un article publié par nos confrères de Le Soleil, Myamy TheAyGirl est présentée comme une jeune femme au style unique, souvent coiffée de son célèbre foulard, qui défie les stéréotypes et crée ses propres sons à partir de son ordinateur. Malgré les nombreux préjugés auxquels elle a dû faire face, elle n’a jamais abandonné son rêve, et aujourd’hui, elle s’impose comme une référence dans le beatmaking au Sénégal.
Un parcours semé d’embûches, mais une passion plus forte que tout
Pour la petite histoire, Myamy TheAyGirl a commencé son aventure musicale en 2011 avec un groupe de quartier, Young Fresh The City. Ensemble, ils enregistrent quelques morceaux pour animer les kermesses. Mais comme beaucoup de jeunes filles dans les sociétés africaines, elle pratique la musique en cachette, par crainte d’être rejetée par ses parents.
C’est pendant ses années universitaires qu’elle s’investit pleinement, grâce à une connaissance qui tenait un studio sur le campus. Ce n’est qu’en 2014 qu’elle bénéficie d’une formation professionnelle en beatmaking. À ce moment, elle doit faire un choix difficile entre ses études et sa passion. Alors qu’elle entamait un Master en Sciences du langage, elle décide finalement de tout arrêter pour se consacrer entièrement à la musique. La même année, elle sort son premier projet, une mixtape intitulée « Ñambaan (mélange) Tape The Beat-Tape ».
Un engagement fort pour la formation et la promotion des femmes
Refusant de s’arrêter là, Myamy TheAyGirl enchaîne les formations en musique et en techniques du son, notamment avec Synapse Center et le Goethe-Institut Sénégal. « Grâce aux connaissances acquises, j’ai eu la chance de collaborer avec plusieurs artistes locaux sur des projets artistiques, comme Matador, Dina, MASS, Cool 10, Karballah x Bossbeatz, pour ne citer qu’eux », confie-t-elle avec fierté.
En 2022, elle crée sa propre structure, Njégem’Art Group, pour promouvoir les métiers du son et de la musique auprès des femmes et des jeunes, à travers la formation, le coaching et la création musicale.
Au-delà de ses talents de beatmakeuse, elle est aussi une entrepreneure engagée pour l’égalité des genres. Elle lance ainsi le programme Stud’Dio Classroom, qui propose des formations en Musique Assistée par Ordinateur (MAO). « À ce jour, j’ai initié plus de 100 jeunes, hommes et femmes, à Dakar, Saint-Louis, Kaolack et Thiès », précise-t-elle. Même si le programme s’adresse à tous, les femmes restent la priorité absolue.
Briser les préjugés pour ouvrir la voie aux autres femmes
Pour Myamy TheAyGirl, évoluer dans un univers masculin n’a pas été sans difficulté. « Il m’était difficile de trouver une autre femme dans ce milieu. J’ai souvent été critiquée et victime de préjugés », se souvient-elle. Elle raconte : « Des amis et connaissances m’ont dit que je n’y arriverais pas, que je ne pourrais jamais faire comme les hommes. J’ai souvent entendu : « Tu ne vas pas durer là-dedans, c’est trop difficile pour une femme », ou encore « Ce serait mieux si tu chantais » et « Tu ne feras jamais mieux qu’un homme ». »
Ces remarques, répétées comme un disque rayé, ne l’ont pourtant jamais découragée. « Plusieurs fois, on a même mis en doute l’authenticité de mes productions, car beaucoup ne croient pas qu’une femme puisse réaliser des prods. Nous devons toujours prouver que nous savons ce que nous faisons », déclare-t-elle avec détermination.
Un modèle inspirant pour la jeune génération
Aujourd’hui, Myamy TheAyGirl ne se limite plus au beatmaking : elle est artiste compositrice, technicienne du son, entrepreneure, formatrice et consultante. « Pour les prods, je peux travailler sur une composition, un mixage ou un arrangement », explique celle qui se définit comme une femme aux « plusieurs foulards », en clin d’œil à ses multiples casquettes.
Même si les femmes sont encore peu nombreuses dans le beatmaking, Aminata alias Myamy TheAyGirl est convaincue qu’elles ont un rôle essentiel à jouer : « La musique est universelle. Les femmes ont aussi leur partition à jouer. »
Par son parcours et son engagement, Myamy TheAyGirl ouvre la voie à une nouvelle génération de femmes qui, comme elle, veulent s’imposer dans les métiers de la production musicale.
Mohamed Cinq Sylla