Tchad : la 4e édition du New School Power met en lumière la nouvelle génération du hip-hop

La ville de N’Djamena a accueilli la 4e édition du festival New School Power du 19 au 22 février 2025. Cet événement dédié au hip-hop a offert une plateforme d’expression à la nouvelle génération de rappeurs et d’artistes tchadiens.

Durant plusieurs jours, New School Power a été le théâtre de rencontres et d’échanges entre artistes, formateurs et passionnés de culture urbaine. Des ateliers animés par des musiciens, DJ, danseurs et graffeurs ont permis aux participants de se perfectionner dans leurs disciplines respectives. Chaque soir, des concerts ont mis en avant la scène locale, avec des performances d’artistes émergents du pays.

Dans une interview accordée à RFI, le jeune rappeur tchadien Bénil a évoqué les difficultés auxquelles sont confrontés les artistes locaux. Il a souligné le manque d’infrastructures et d’investissements dans l’industrie musicale :

« Quand on est rappeur au Tchad, ce n’est pas comme dans d’autres pays. Ici, nous n’avons pas encore de grandes maisons de disques, comme Sony ou Universal. Nous travaillons uniquement avec de petits labels et maisons de production, qui ont des moyens limités. »

Le festival se veut être une opportunité pour ces artistes en quête de reconnaissance et de soutien. Toutefois, le chemin reste semé d’embûches. Les défis sont nombreux : précarité financière, accès limité à Internet, taux de chômage élevé et manque de considération pour la musique en tant que profession.

Malgré ces obstacles, le fondateur et directeur artistique du festival, Kandenoji Njetein, affirme que New School Power œuvre pour un changement de perception et une meilleure structuration du hip-hop tchadien :

« C’est vrai que, globalement, le rap ne paie pas encore. Malheureusement, nous perdons progressivement des artistes talentueux qui abandonnent faute de moyens. C’est un risque pour notre industrie musicale. À travers ce festival, nous essayons de changer la donne, de montrer aux partenaires que nous sommes crédibles, que nous savons raisonner, discuter et faire des affaires. Ce sont des éléments qui manquaient dans le milieu du rap et que nous voulons instaurer avec la nouvelle génération. »

Au-delà des difficultés économiques, les rappeurs tchadiens doivent aussi faire face aux préjugés sociétaux. Pour une partie de la population, la musique urbaine est associée à des comportements déviants. Une perception dénoncée par l’artiste Fejaton :

« Ici, si tu fais de la musique, on te considère comme un bandit, un voyou. On te marginalise. Pourtant, ce n’est pas ça. Ce n’est pas facile, mais on tient bon et on espère qu’un jour, ça changera. »

Le rap tchadien se cherche encore une identité propre, notamment en matière de langue et de sonorité. Selon le rappeur Ndomiche, cette diversité linguistique est un défi mais aussi une richesse :

« Nous sommes en train de définir l’identité du rap tchadien. Chacun cherche à se démarquer et à imposer son style. Actuellement, nous rappons en français, mais nous intégrons également le jargon local, l’arabe tchadien, ainsi que des langues comme le sara ou le ngambay, pour que nos textes résonnent avec notre public. »

Avec des initiatives comme New School Power, le hip-hop tchadien espère gagner en visibilité et en reconnaissance, tant sur le plan national qu’international. Si les défis restent immenses, l’énergie et la détermination des artistes laissent entrevoir un avenir plus prometteur pour cette scène en pleine évolution.

Mohamed Cinq Sylla