50 ans de hip-hop, du Bronx à la domination mondiale 

Le 11 août marque le 50e anniversaire de naissance du hip-hop, qui sera célébré à New York lors d’un grand concert au Yankee Stadium, avec entre autres Run DMC, Snoop Dogg, Ice Cube et Lil Wayne. Voici quelques moments clés qui ont marqué l’évolution d’un des styles musicaux les plus populaires sur la planète.

1973 – DJ Kool Herc innove 

Par une chaude soirée d’été en août 1973, Clive Campbell, alias DJ Kool Herc, est derrière les platines lors d’un block party (fête de quartier) organisé dans le Bronx pour la rentrée scolaire. 

Ce party est inspiré des sound systems jamaïcains – des gros partys qui se promenaient de ville en ville en Jamaïque avec des génératrices, des tourne disques et des haut-parleurs où on faisait jouer la musique des jeunes, explique le journaliste Olivier Arbour-Masse au micro d’Eugénie Lépine-Blondeau à l’émission C’est ma tournée. 

Troquant le ska, le reggae et le rocksteady de sa Jamaïque natale contre du funk et de la soul, Kool Herc serait le premier DJ à avoir utilisé la technique du break, en isolant des séquences de titres existants pour ne garder que les parties mettant en valeur le rythme et les percussions. 

Passant d’une table tournante à l’autre, il peut ainsi enchaîner les breaks pour en faire une longue séquence dansante. Parmi les premières chansons récupérées par DJ Kool Herc, on compte plusieurs titres de James Brown, notamment Funky Drummer, qui a ensuite été échantillonné à d’innombrables reprises.

Entre le DJ et le public se trouvait souvent un MC (maître de cérémonie), un genre d’animateur de foule qui encourageait les gens à danser en scandant quelques rimes ici et là. 

Tranquillement, ça s’est mis à se bonifier et le MC a commencé à prendre de plus en plus de place, à faire des couplets, puis des chansons complètes, ajoute Olivier Arbour-Masse, qui anime aussi le balado D’où je viens : le rap d’ici. Rapidement, les MC, ancêtres des rappeurs, deviendront les véritables vedettes du hip-hop.

Si les origines précises du hip-hop peuvent être difficiles à déterminer, l’histoire a néanmoins immortalisé la prestation légendaire de DJ Kool Herc, le 11 août 1973, considérée comme les premiers balbutiements du style musical.

Rap ou hip-hop? Le commun des mortels a parfois l’impression que rap et hip-hop sont des synonymes, mais ce n’est pas le cas. Le rap, c’est la musique [et la façon de livrer les paroles]. Le hip-hop, c’est une culture qui englobe quatre éléments de base : le DJing, le MCing (ou rap), le break dancing et le graffiti, explique Félix B. Desfossés, auteur et chroniqueur spécialisé en musique.

1979 – The Sugarhill Gang enregistre Rapper’s Delight

À ses débuts, le hip-hop est un art qui existe principalement dans la rue. Il faudra attendre 1979 pour avoir un premier enregistrement. Il s’agit du fameux Rapper’s Delight du groupe The Sugarhill Gang, un collectif de trois MCs, repéré par Sylvia Robinson, une chanteuse et productrice new-yorkaise, souvent considérée comme la mère du hip-hop. 

À cette époque, le rap était une musique de party, explique Olivier Arbour-Masse. La sortie en 1982 du titre The Message de Grandmaster Flash and the Furious Five viendra toutefois changer la donne, ajoutant une dimension consciente au genre. 

C’est la première chanson rap avec un commentaire social. On décrit la vie dans les quartiers pauvres de New York, la pression économique, et c’est un changement majeur parce qu’à partir de ce moment-là, le rap peut être politique, observe Olivier Arbour-Masse.

 

Ça pave la voie à des artistes comme Public Enemy, KRS-One et jusqu’à aujourd’hui, à des artistes comme Kendrick Lamar.

1985 – Schoolly D ouvre la voie au gangsta rap 

En 1985, le rappeur de Philadelphie Schoolly D lance un premier album homonyme. Avec des paroles reflétant la réalité urbaine, le sexe et la violence, il est considéré comme le précurseur du gangsta rap.

Schoolly D ne connaîtra toutefois pas le même succès que ses successeurs, comme le groupe N.W.A., qui popularisera le gangsta rap avec son album mythique Straight Outta Compton, paru en 1988. 

Associé aux gangs de rue comme les Bloods et les Crips, le sous-genre musical sera accusé de promouvoir la désobéissance civile et la criminalité, la misogynie et l’appât du gain, mais le public en redemandera toujours plus. 

Plusieurs artistes en feront leur marque de commerce à partir des années 1990, comme Dr. Dre, Snoop Dogg et Tupac sur la côte Ouest, ou Biggie Smalls, Nas, Mobb Deep et Wu-Tang Clan. 

 

1988 – Les femmes s’imposent 

Alors que le milieu est plutôt dominé par les hommes depuis ses débuts, la fin des années 1980 voit l’émergence des premières artistes de hip-hop féminines, à commencer par la rappeuse new-yorkaise MC Lyte, qui sort son premier album en 1988. 

Elle sera imitée par plusieurs autres femmes comme Queen Latifah, Lil Kim ou encore Cheryl Salt James et Sandra Pepa Denton du duo Salt-N-Pepa, premières artistes de rap féminines à remporter un prix Grammy en 1989. 

 

1996-1997 – Sur fond de rivalité, 2Pac et The Notorious B.I.G. sont assassinés 

C’est la rivalité la plus célèbre de l’histoire du hip-hop : celle entre la côte est des États-Unis, représentée au milieu des années 1990 par The Notorious B.I.G., et la côte Ouest, giron de 2Pac. C’est aussi un triste exemple des excès du gangsta rap, souvent accusé de prôner la violence comme style de vie.

Les deux rappeurs seront assassinés avant d’avoir pu dépasser un quart de siècle d’existence et laisseront derrière de nombreuses questions sans réponses sur les circonstances de leur décès, mais aussi une longue lignée d’artistes qui garderont en vie leur héritage musical. 

Le triomphe commercial de Biggie ouvre la voie à d’autres vedettes de la côte Est, comme Jay-Z, DMX, Busta Rhymes et 50 Cent. 

 

1998 – Dr. Dre recrute Eminem

À la fin des années 1990, après plusieurs années à tenter de percer un marché qui lui était plutôt hostile, le rappeur de Détroit Eminem est repéré par Dr. Dre, qui lui fait signer un contrat en 1998 sur son étiquette Aftermath Entertainment.

Marshall Mathers, de son vrai nom, deviendra rapidement le rappeur blanc le plus populaire de tous les temps. D’autres artistes à la peau blanche s’étaient illustrés avant lui, comme le trio américain Beastie Boys, mais aucun ne s’approchera des sommets stratosphériques atteints par Eminem. 

Il demeure à ce jour l’un des meilleurs vendeurs chez les artistes de rap partout dans le monde. Quatre de ses albums se retrouvent d’ailleurs parmi les 25 albums les plus vendus de l’histoire du rap aux États-Unis, selon le Insider. Il s’agit de Recovery (8 millions d’exemplaires), Curtain Call: The Hits (10 millions), The Marshall Mathers LP (11 millions) et The Eminem Show (12 millions). 

Années 2000 – Le hip-hop comme machine à imprimer de l’argent 

Les années 2000 cristallisent le hip-hop et le rap comme puissante machine commerciale alors que des rappeurs-entrepreneurs milliardaires, comme Diddy et Jay-Z, s’immiscent dans des industries plutôt éloignées de la musique, comme le sport ou la mode. 

C’est aussi à cette époque que naissent une panoplie de sous-genres musicaux comme le trap, la drill, le crunk et le cloud rap.

Près de 30 ans après la performance historique de DJ Kool Herc, le rap s’éloigne de plus en plus des codes classiques du hip-hop, qui continuera toutefois à être célébré jusqu’à nos jours dans l’art de rue et dans les compétitions de breakdance ou de DJing.

2018 – Kendrick Lamar remporte un prix Pulitzer 

Preuve que la culture hip-hop s’est imprégnée dans toutes les sphères de la société, Kendrick Lamar devient en 2018 le premier rappeur à remporter le prestigieux prix littéraire Pulitzer, dans la catégorie musique. 

L’artiste qui était de passage à Osheaga dimanche dernier, lauréat de 14 prix Grammy, se démarque avec des thèmes plutôt sombres et sérieux, marquant un retour vers le rap conscient des années 1980.

 

L’héritage du hip-hop

Comment expliquer que le hip-hop, culture foncièrement afro-américaine, ait trouvé un écho retentissant à travers les âges et les cultures? Pour Félix B. Desfossés, son caractère résolument festif y est pour quelque chose. 

Il compare d’ailleurs le rap au punk, qui est né environ à la même époque d’un même sentiment de souffrance.

Le rap et le punk naissent dans un certain désespoir de la jeunesse. Le punk va vraiment porter un message de frustration, alors que le rap va plutôt être ancré dans une tradition afro-américaine consistant à dire : Peut-être qu’on souffre, mais on va mettre le party dans la place pour oublier la souffrance, illustre-t-il.

Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2002569/50-ans-de-hip-hop-moments-phares-histoire-dj-kool-herc-new-york-bronx