La Zone Street Art est l’un des espaces de la 13ème édition du Marché des Arts et du Spectacle Africain d’Abidjan (MASA) entièrement réservé aux cultures urbaines. Il s’agit entre autres de la danse, de la musique, de la mode, du graffiti et tant d’autres disciplines. C’est un espace qui a refoulé du monde chaque soir.
Nous avons rencontré Kajeem, un artiste émérite de la Old School qui gère la Zone Street Art.
Culturbaine.com : parlez-nous de votre responsabilité à la Zone Street Art.
Kajeem : la Zone Street Art, c’est la zone qui s’occupe des cultures urbaines, c’est une faible qui fait la place belle à la musique urbaine, à la danse, aux arts graphiques et aussi à la mode urbaine. Donc, c’est la seule scène où toutes ces disciplines se retrouvent. mais ne se retrouvent pas de façon disparate parce qu’à la Zone street art, les frontières entre les disciplines deviennent très fines. Par exemple, on s’est retrouvé avec des artistes qui faisaient des prestations pendant qu’il y avait des graphismes fait par des artistes derrière, et des mannequins qui défilaient à la foule. Parce que pour nous, toutes ces disciplines se complètent. Donc c’est cette scène là qui gère un peu les artistes en devenir et aide à structurer les jeunes artistes, de passer d’amateur à professionnel. C’est par exemple c’est sur la Zone Street Art que vous verrez qu’il n’y pas de groupe de plus de 6 personnes parce qu’il faut se mettre au norme du marché. Faire en sorte que les groupes répondent à la fois artistiquement mais aussi aux critères économiques qui font qu’un acheteur de spectacle les prend pour une tournée.
Culturbaine.com : D’où tirez-vous l’inspiration et l’énergie pour faire de la zone, une destination attractive?
Kajeem : En fait, la Zone est gérée par plusieurs têtes. Je suis certes à la tête du projet mais il y a Didier Awadi que tout le monde connaît, il y a Nash, il y a Noun Sha, il y a Dj Toko du Cameroun et depuis quelques temps, il y a Monzart de la Mauritanie qui a rejoint le comité exécutif. C’est une scène qui est particulière parce que les groupes et les artistes qui viennent voir leurs aînés, qu’ils ont l’habitude de voir à la télé, à leur service s’occupent d’eux. Nous, on est dans une sorte de coaching et d’accompagnement de ceux là parce que c’est très important. Nous, on a commencé notre carrière, il n’y avait pas de grand frère devant et on connaît les difficultés que c’est. Pendant de longues années, les jeunes ne viennent pas au MASA parce qu’ils ne trouvaient pas leurs places, ils n’avaient pas les choses qui leur parlait. Depuis qu’on a ouvert la zone, il y a un engouement parce que les jeunes ont retrouvé leur code. Ils viennent au Masa, ils savent qu’il y a de la place pour eux. Et je pense que pour les jeunes artistes, c’est vraiment important de voir, qu’il y a des aînés qui essaient de leur ouvrir le chemin, qui essaient de les entraîner parce que la plupart d’entre eux viennent dans ce métier là poussés par leur passion, où les encouragements de leur entourage mais Ils n’ont pas forcément les formations qui les ouvrent pour pouvoir les investir de façon professionnelle. Nous, on a ce métier là comme job, c’est le business. Dans ce business il y a ce que tu dois apporter à la communauté et c’est ce qu’on essaie de faire à travers la zone street Art.
Culturbaine.com :Partagez avec nos lecteurs/lectrices, l’anecdote la plus marquante de la Zone Street Art.
Kajeem : Il y a des groupes de battle de danse qui ont été programmés chez nous, alors que dans notre programmation ils ne se figuraient pas. Alors quand ils sont arrivés chez nous et qu’ils se sont rendus compte de ça, ils étaient en pleurs. On leur a dit allez voir Kajeem parce que c’est lui seul qui peut décider si vous allez jouer où pas. Et ils sont venus me voir , je leur ai dit mais je vais voir le programme que vous avez, si ça n’ampute pa sur le nôtre, nous on va se mettre à votre disposition pour vous aider à le faire. Et on a structuré leur scène, on les a accompagnés et on a appelé les journalistes qui venaient couvrir les activités de la zone, pour venir les accompagnés et des visiteurs. Ils étaient très agréablement surpris. Je leur ait dit tout ce vous venez de voir, fait partie des missions de la zone. La zone doit accompagner tous les jeunes des cultures urbaines qui essaient de faire quelque chose. Nous aussi, on ne peut pas s’opposer à des jeunes gens qui ont travaillé toute l’année pour venir présenter leur production au MASA. Même s’il y a eu des dysfonctionnements, ce n’est pas nous qui allons vous empêcher d’évoluer.
Culturbaine.com : À quoi les spectateurs du MASA doivent-ils de la Zone Street Art cette année?
En fait, la Zone street art est venue joindre un désir. Aujourd’hui, la majorité de la population mondiale est urbaine, il n’est donc pas normal qu’on organise un Masa et que les cultures urbaines qui sont désormais les cultures brillantes ne soient pas au cœur. Et nous, il y à la Zone street Art, pour nous ça reste une proie un peu ghettorizé parce que si on veut regarder un peu l’impact que les cultures urbaines ont, il nous faut une place encore plus grande. Il faudrait que les gens sachent que la Zone street Art existe parce que c’est les cultures urbaines qui dominent le temps. Il faut que tout le monde se lève à l’ère des cultures urbaines et fasse sa mise à jour. On ne peut plus faire les choses comme on le faisait il y a 20 ans, 30 ans. Aujourd’hui il y a une façon de faire. Quand on s’intéresse aux cultures urbaines, le regard même qu’on fait sur le monde est forcément différent. et si aujourd’hui on en est là, c’est parce qu’il y a des gens qui se sont battus il y a des années. Parce qu’il ne faut pas oublier que les premières fois qu’il y a une scène hip-hop au MASA, c’est Nash à l’époque qui faisait le Masa hip-hop et c’était hyper compliqué de le faire. Ensuite, il y a eu une deuxième édition (…) tout cela nous a permis d’avoir ce qu’on a aujourd’hui. Ce qu’on fait là, c’est avec l’apport des uns et des autres de la force de partout de toutes les capitales africaines . On reçoit de la force, on reçoit des propositions. Et nous, ce qu’on essaie de faire, c’est de faire une synthèse pour que cette scène puisse être vraiment un espace de partage mais aussi un canal et de promotion des cultures urbaines.
Culturbaine.com : De nos jours, quelle place donnez-vous aux cultures urbaines dans le développement de l’industrie culturelle?
Kajeem : Les cultures urbaines sont au cœur du développement. Pour moi c’est des cultures au service du développement, c’est le cœur des messages et de combat. Aujourd’hui, avec les cultures urbaines, vous pouvez adresser toutes les grandes problématiques que ça soit écologique, que ce soit le réchauffement, que ça soit l’immigration clandestine. Par exemple, aujourd’hui, si tu prends la danse urbaine tous les sujets sont susceptibles d’être mis en danse. Tous les sujets contemporains sont au cœur des sujets des chansons des cultures urbaines. Or il ne faut pas oublier que chez nous, la musique est le premier vecteur de message. Sur le continent où la majorité de la population est analphabète, la musique va au-delà du souci scolaire. Même tous ceux qui ne sont pas allés à l’école à travers une chanson, on peut leur envoyer un message. Il faut que les gens changent leur regard. Il ne faut pas qu’ils voient ça comme étant de la simple distraction. Il n’y a pas que cette dimension entertainment, au-delà de ça tout ce qu’on peut impacter. Il y a toutes les choses qu’on peut faire impacter grâce aux créations des cultures urbaines. Et vu que c’est la culture là qui touche la jeunesse qui est la majorité sur notre continent, c’est un message qui clairement adressé à nos gouvernants pour leur dire, de changer le regard que vous portez sur ces cultures parce que c’est elle qui peut forcément accompagner le développement de notre pays, les orientations qu’on veut donner.
Interview réalisée par Mohamed Cinq Sylla depuis Abidjan.